LA SUBJECTIVITE
Un des problèmes du reporter photographe est la subjectivité des images. Cette subjectivité est induite par le simple fait que lorsqu’on est tourné à droite on ne photographie pas ce qui est à gauche mais aussi beaucoup plus insidieusement par un autre phénomène que trop de photographes amateurs comme professionnels oublient. Pour l’expliquer, le plus simple est de passer par la physique en assimilant le photographe à un capteur de température. Lorsque l’on plonge ce capteur dans un milieu pour en mesurer la température, il convient que le capteur ne modifie par la température mesurée sinon il ne mesurerait plus la température du milieu mais la réponse du milieu à la chaleur qu’il émet. Il ne ferait alors que mesurer l’incidence de son effet sur le milieu. Ce phénomène peux être extrêmement intéressant dans certains cas mais plus que néfaste dans beaucoup d’autres.
Lorsque le reporter arrive dans un lieu, il génère des perturbations du milieu, qu’il le veuille ou non, quel que soit le milieu, s’il faisait des photographies de suite, il ne prendrait en photo que l’image de ce qu’il génère. Par contre, s’il laisse le temps au milieu de se stabiliser, de se « reconstruire » autours de lui, en l’oubliant et en l’acceptant surtout, il pourra ramener des images racontant ledit milieu. Cela demande de la patience et du temps.
Cette photographie réalisée le long du fleuve Sénégal à Saint Louis est le résultat de plusieurs heures assises à même le sol à regarder, écouter et sentir. Il fallait que les poissonniers et les enfants me repèrent et surtout m’acceptent. Qu’ils comprennent que je n’étais pas juste là pour faire « la » photo mais que j’étais la pour les regarder et les comprendre. Il fallait aussi leur laisser le temps de me comprendre, de décrypter mon comportement en fonction de leurs codes gestuels. Je voulais raconter le quotidien des hommes, femmes et enfants une fois les barques rentrées sur dans le port. Pour cela il fallait descendre le long de la rive, en contre bas de la rive, regarder et attendre non pas qu’il se passe quelque chose mais que je sois capable de percevoir la vie qui m’entourait.