En reportage comme en vacance :
Le cas de la réalisation d'un portrait et les clichés qu'il peut générer
Photo : Portrait d'un jeune garçon dans une maison reculée de la commune de Poa. Lors de la première lecture rapide de l'image on voit un enfant derrière un grillage. Lorsqu'on regarde mieux, on remarque une lueure dans ses yeux...
Préambule :
Je préfère prévenir de suite : je risque de ne pas faire plaisir à tout le monde et de bousculer des à priori bien établis chez certains.
Contexte
La photographie est omniprésente dans notre monde, publicité, galeries en ligne et autres réseaux sociaux, tout un chacun est, de nos jour, un peu le reporter de sa vie. Bonne ou mauvaise chose, je ne sais pas. Il y a du bon et du mauvais partout :pour l'illustrer j'aime bien utiliser la comparaison avec une arme blanche (la machette par exemple) :
Tenue par le manche et utilisée pour défricher le terrain en exploration ou couper le blé c'est un bon outil, mais attrapée par la lame ou encore utilisée comme pour un génocide, les conséquences de son utilisation se révélent humainement irréversibles.
Nous partons tous en vacance, en voyage d'affaire ou encore en mission un peu partout dans le monde. Nous ramenons alors souvent des images que nous prenons plaisir à publier, présenter. Vous demandez vous vraiment de l'impact que ces images ont, à force, sur le moyen et long terme, sur votre public ? êtes vous toujours conscient des clichés que vous êtes succeptible de colporter malgrès toute votre bonne volonté ?
Ne l'oubliez pas, l'appareil photographique est une comme une machette : utilisé simplement et correctement, il reste un outil et peut servir à raconter ses vacances en Auvergne sans conséquence pour les vaches de Salers, utilisé pour le témoignage engagé il peut permettre de délivrer des prisonniers ou générer une pression sur un gouvernement corrompu, mais utilisé à tord et à travers il peut faire dire n'importe quoi sur n'importe qui et ainsi provoquer des évenements catastrophiques.
Le cas des photographies de portraits
Combien de photographies de personnes voyez vous prises d'en haut en plongé ? même sur les publicité dans le métro de Paris on voit des enfants Africains pris en plongée par un photographe placé AU DESSUS d'eux...
Vous rendez vous compte de ce que le choix de ce plan photographique implique ? Vous êtes au dessus d'eux et surtout eux, en dessous de vous. Nous ne sommes alors pas dans une relation d'égal à égal.
Un portrait raconte son sujet mais n'oubliez pas qu'il raconte aussi son photographe. Un portrait est une relation entre le sujet et son photographe :
(Attention, ce que je vais dire est vrai pour 90% des photographies de ce type mais dans certains cas il y a un réel parti prit assumé et aux conséquences maitrisées)
- L'avis que nous avons sur notre sujet, si on se place au dessu de lui, ce n'est pas anondin : c'est qu'on se sent suppérieur à lui (attention, rappelez vous : la pitié est un sentiment de supériorité...)
- La flemme de se baisser, de se mettre au niveau de son sujet et donc de voir les choses à sa hauteur, cela demande, en effet un effort mental et physique que tous ne sont pas prêts ou capables de faire.
- Le manque de temps : se baisser, entrer en contact réel avec son sujet prend du temps. Ce manque de temps est l'énnemi numéro un d'une photographie réfléchie, assumée et justifiée. Cela implique souvent des photographies "volées" au sujet qui ne raconte pas réellement son histoire ou ce qu'il vit.
Les mauvais choix au niveau de la prise de vue et de l'éditing (sélection des images finales) génèrent ainsi une vision erronée du sujet : position de soumission, misère exponentialisée, fausse tristesse... Cette vision altérée provoque ainsi des réactions telles que la pitié (et non l'empatie), la formation de cliché à l'emporte pièce, le racisme, la haine... Dans le métier on appelle aussi cela, dans certains cas, le misérabilisme, on supprime alors tout sa dignité à la personne. Et ça c'est extrêmement grave.